Enfin de retour - Lucius

La nuit était tombée depuis quelques temps à présent. La plupart des pièces du manoir étaient vivement éclairées bien qu'elles soient vides de tout occupant. Une seule pièce seulement était dans la pénombre et aussi bizarre que cela soit, c'était dans cette pièce que se trouvait une sorcière.
Narcissa s'était installée dans un fauteuil auprès de la monumentale cheminée dans laquelle le feu mourrait lentement. Seuls les candélabres sur le manteau de marbre de la cheminée étaient allumés. La sorcière tenait sur ses genoux un livre, un roman sorcier mais depuis longtemps, elle en avait abandonné la lecture. Ses yeux restaient fixées sur les lettres et les mots sans les voir, elle avait déjà relu dix fois la même phrase sans même s'en rendre compte. Par moment, elle levait les yeux pour les poser d'abord sur la pendule dorée puis sur l'extérieur noyé dans la nuit et enfin sur la porte donnant sur le couloir qui restait inexorablement close. Il n'y avait pas un bruit dans le manoir. A part le tic tac de la pendule. Mais ce silence n'avait rien d'étonnant : Narcissa était seule ce soir. Drago n'était pas là et Lucius n'était pas encore rentré. Et c'était ce retard qui enserrait douloureusement son coeur. A chaque retard, même infime, Narcissa ne pouvait s'empêcher d'imaginer le pire ... Elle laissa échapper un soupir et si quelqu'un avait été dans la pièce, il aurait pu lire sur le visage de la blonde sorcière l'angoisse, mais c'était justement parce qu'elle était seule qu'elle se permettait de laisser exprimer ses sentiments.
Soudain, une porte claqua, faisant résonner le silence puis des pas se firent entendre. Un sourire de soulagement se lut sur le visage de Cissey avant qu'elle ne retrouve son masque impassible. Elle avait reconnu entre mille le pas de son époux et un énorme poids s'ôta de sa poitrine. Il était rentré. Elle inspira et reprit sa lecture, cette fois les mots formaient des phrases remplies de sens. Elle savait que dans quelques instants, il passerait la porte du salon. Et son angoisse refluerait jusqu'à sa prochaine absence.

La journée avait été longue. Il avait passé la matinée au Ministère, à essayer d'exister aux yeux du nouveau Ministre de la Magie, Rufus Scrimgeour. Cornelius Fudge, qui avait donné sa retraite suite aux incidents, quelques semaines plus tôt, au Ministère, lui avait valu de longues années d'effort, d'hypocrisie et surtout, de dons à divers associations. L'ancien Ministre respectait Lucius, et même l'admirait, par sa force et son argent... aujourd'hui Lucius Malefoy n'avait plus aucun pouvoir au Ministère. Les employés de la fonction sorcière le craignait encore : il restait un homme important et influent, mais plus autant qu'avant...

L'après-midi, il était avec ses acolytes Mangemorts, à faire plus ou moins la même chose que le matin. Difficile de se r'acheter aux yeux de ses parias de la société actuelle. Bien sûr, pour eux ils n'étaient que des Mangemorts, au service du Lord. Lucius lui avait une réputation, c'était un aristocrate. De plus, il avait une famille. Il ne voulait pas les mettre dans l'embarras. Voldemort lui demande de plus en plus de présence et de signes de loyauté pour prouver sa fidélité. Si Malefoy n'est pas encore mort, c'est que le Seigneur des Ténèbres juge qu'il peut encore se montrer utile, Lucius le sait très bien. Sa position, bien qu'affaiblie, implantée dans le milieu de Scrimgeour, reste un atout. Malgré tout, Lucius se fait de plus en plus de soucis car il sait qu'on le soupçonne de plus en plus. Sa sauvegarde tient du fait qu'ils n'ont aucune preuve pour l'inculper et le mettre sous les verrous, en compagnie des autres Mangemorts arrêtés cette fameuse nuit au Ministère. C'est sa parole, contre celle de Potter et ses amis.

En ce moment, Lucius se sentait en sécurité seulement chez lui, dans son manoir. Il avait peur, pour lui, pour sa femme et encore plus pour Drago, qui se rapprochait de plus en plus du pouvoir noir. Il savait que Voldemort le punissait en agissant ainsi... il n'avait pas été à la hauteur, il allait payer par la vie de son fils. Et même en cet instant, où était Drago ?

- Bonsoir mon amour...

Narcissa se tenait seule dans la pénombre. Ses grands cheveux blonds reflétaient les lueurs du feu mourant dans l'âtre. Lucius s'approcha d'elle à pas feutrés et l'embrassa. Il la serra fort contre lui avant de s'asseoir à ses côtés. Son visage était cireux, il avait maigri. Ses cheveux n'étaient plus aussi beaux qu'avant. Il était un homme fatigué, perdu, et seul...

La porte s'ouvrit enfin et Lucius entra. Narcissa releva la tête de son livre et observa son époux avancer dans la pièce. Elle gardait son visage impassible. Son regard océan se perdit sur son mari et elle finit par lui sourire. Un sourire franc et chaleureux dans lequel devait percer le soulagement de le voir rentrer chez lui.

- Bonsoir Lucius, Lui répondit-elle dans un murmure.

Une nouvelle fois, dans sa voix rien ne laissait percer l'inquiétude qu'elle avait ressenti toute la journée.
Lucius l'embrassa et elle lui rendit son baiser, avant de se laisser aller quelques instants dans les bras du sorcier qui venait de l'enlacer. Elle l'observa ensuite s'asseoir à côté d'elle. Elle le regarda un instant, impassible.
Par Merlin ce qu'il avait changé ces derniers temps ... Il semblait si fatigué ... Il n'était plus que l'ombre de lui-même.
Avec douceur, Narcissa porta sa main sur la joue du sorcier et caressa doucement son visage. Elle gardait toujours son petit sourire soucieux sur le visage.

- Dure journée ...

Ce n'était pas vraiment une question plus un constat. Elle n'allait pas non plus embêter Lucius par ses questions. S'il voulait lui parler de sa journée elle l'écouterait et dans le cas contraire, elle ne l'accaperait pas avec ses interrogations. Si la journée avait été difficile, elle n'allait pas l'obliger à la revivre en le questionnant.

Narcissa se leva soudain, elle se dirigea avec toute sa grâce habituelle vers un petit buffet. Elle l'ouvrit et en sortit une bouteille de firewhisky. Elle en servit une bonne rasade dans un verre en cristal finement ciselé et revint s'asseoir. Elle tendit le verre à son époux.

- Drago est sorti, expliqua-t-elle. Il est parti rendre visite à Théodore ... Il ne va pas très bien ...

Le père de Théodore était au Ministère avec Lucius lors de cette mission désastreuse, mais contrairement à Lucius, Nott Senior malgré ses relations n'avait pas réussi à s'en sortir ...

Narcissa était une femme digne de son rang. Elle ne posait jamais de questions, ne parlait pas outre mesure. Son geste du soir, lorsqu'elle savait Lucius soucieux (Et c'était de plus en plus le cas ces dernières semaines), était de lui apporter une boisson forte et rafraichissante. Alors qu'il portait le liquide ambrée à ses lèvres, Lucius détaillait le visage de sa femme. La peau très blanche, le regard dur, que venait adoucir un tendre sourire... un peu crispé cependant. Sa femme connaissait leur situation, elle était inquiète. Lucius ne pouvait pas lui en vouloir... ils n'avaient plus beaucoup d'amis du côté du Seigneur des Ténèbres, le Lord lui même n'avait plus la même confiance en la loyauté de Lucius. Malefoy venait même à douter... douter de lui, de tout. Où était sa place ? Lui qui était un homme puissant et respecté, à sa place au sein de la puissance sorcière du ministère. Il était meneur auprès des Mangemorts et Voldemort avait confiance en lui. Aujourd'hui quelle mission allait-il lui accorder, quel regard... il ne représentait plus grand chose, ni d'un côté, ni de l'autre... il n'était plus rien. Que ne donnerait-il pas pour revenir quelques semaines en arrière et empêcher le désastre qui s'était produit. Son échec vis à vis de la prophétie avait détruit sa vie... cette simple petite sphère en cristal. Mais Lucius connaissait les règles du jeu... et il n'avait pas dit son dernier mot. Oui il arriverait, il arriverait à retrouver la grandeur du Malefoy. Après tout les gens le craignaient encore... il était toujours le même du côté visible du monde des sorciers. Il avait perdu sa légitimé auprès des serviteurs du Lord Noir.

Ouuhh... le firewhisky faisait son effet. D'où lui venait cet entrain subit ! Lucius avait toujours été sensible à ce genre de boisson ; l'alcool montait vite à son cerveau, lui faisant croire à un meilleur avenir. Après tout, pourquoi s'en plaindre, c'était plus ou moins le but escompté de Narcissa. Détendre son mari...

- Très difficile oui... Le Ministère est sans dessus dessous, ils n'ont confiance en personne. Je n'y ai plus la même facilité à arpenter les couloirs... on me regarde de travers... tous ces bouffons ne sont pas si crédules que ça finalement...

L'alcool commençait à monter. Il but la fin de son verre d'un coup sec. La boisson lui brûla la bouche, avant de couler lentement dans sa gorge. Un courant chaud se répandit bientôt dans sa poitrine, puis le long de ses membres. Il se détendit enfin et se débarassa de sa veste qu'il ajusta à son dossier. Les jambes raides, il glissa de quelques centimères sur sa chaise. Il faisait bon ici, il était chez lui. Un homme respecté et admiré, aimé même...

- Je ne pense pas pouvoir y exercer la même emprise. Scrimgeour refuse que des individus ne travaillant pas au Ministère, ou n'ayant aucun lien d'aucune sorte avec les fonctionnaires ne se promènent librement dans le bâtiment. Il reste indulgent pour l'instant avec moi, notamment à cause des dons que j'ai fait... Mais...

Il ne termina pas sa phrase. Narcissa comprenait très bien. Lucius murmura quelques mots d'une voix sèche. Ils étaient destinés à Scrimgeour, et sa femme n'avait pas besoin de les entendre pour en comprendre le fond. Les choses avaient changé... Lucius n'avait pas encore abordé ses liens avec les Mangemorts. Il ne voulait pas inquiéter sa femme... d'ailleurs, est-elle au courant de l'avenir que prévoyait le Lord pour son fils Drago ? Lucius lui jeta un regard discret, interrogateur. Sa sœur Bellatrix avait du la mettre au courant... ou pas...

Narcissa avait écouté son mari en silence. Parler de ses soucis pouvait lui faire du bien, autant qu'il se décharge un peu de son fardeau sur elle. Comme il fallait s'y attendre, la situation au Ministère n'était guère viable pour Lucius. Il était vrai que le nouveau ministre ne ressemblait en rien à Fudge si manipulable avec une bourse remplie d'espèces sonnantes et trébuchantes. Et Cissey se doutait que la situation de Lucius était bien pire du côté du Seigneur des Ténèbres. Bien sûr, quand elle voyait sa soeur, elles n'évoquaient que rarement le sujet, mais une ou deux allusions volontaires de Bellatrix avait laissé entrevoir à Cissey que le Lord était mécontent de Lucius. Narcissa n'avait pas posé plus de questions à Bella, car elle ne voulait pas entrer dans le jeu de sa grande soeur ... Bella aurait sauté sur l'occasion pour médire sur Lucius et la blonde sorcière n'avait pas besoin des moqueries de sa Mangemort de soeur.
Avec douceur, Narcissa posa le regard sur Lucius. Elle lui sourit doucement. Dans un geste de nouveau plein de tendresse, elle posa sa main encore une fois sur la joue de son mari.

- Ce n'est qu'un dur moment à passer, murmura-t-elle. Ca finira par se tasser ...

Impossible de dire si elle parlait de la situation au Ministère ou dans les rangs du Lord,ou des deux ...

- Tu es un Malefoy, continua-t-elle. Tu finiras par retomber sur tes jambes, comme toujours.

Oui, Cissey voulait croire que tout s'arrangerait d'une façon ou d'une autre. Une autre angoisse étreignait la sorcière, mais elle hésitait à en parler à Lucius ...
Pour se donner contenance et réfléchir à quoi faire: en parler ou non. Elle se leva une nouvelle fois et retourna auprès du buffet. Elle remplit un autre verre de firewhisky. Une fois n'étant pas coutume, elle se le destinait ...
En silence, elle retourna s'asseoir auprès du sorcier. Elle fit tourner le breuvage alcoolisé dans le verre et observa les reflets avant de porter finalement la boisson à ses lèvres. Elle avala une rasade brûlante et soupira.

- Et ... et Drago ? murmura-t-elle. Bella ... Bella a laissé sous-entendre ... que le .. Seigneur des Ténèbres avait des projets pour lui ...

Elle leva un regard inquiet sur Lucius. Elle espérait qu'il lui dise que sa soeur avait dit n'importe quoi, mais au fond d'elle, elle était certaine que cette réponse tant désirée ne serait pas la vérité.

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