Pas grand monde cette nuit...

La brume voletait entre les boutiques et les ruelles sombres de l'Allée des Embrumes. Rares étaient les passants à cette heure avancée de la soirée et une ombre parmis toutes les autres se glissait entre les murs. Presque invisible, elle se fondait entre les bras de la nuit. La plupart des magasins était fermée et un silence plutôt étrange règnait en ces lieux douteux. Les étoiles et la lune disparaissaient derrière un rideau de nuages gris, et le peu de lumière que dégageait les rares lampadaires était étouffé par le masque blanchâtre du brouillard.

Il sera difficile pour un être humain de se repérer par ce temps qui semblait embellir constamment l'Allée mais la silhouette qui se mouvait de ci et de là à travers les rues ne semblait pas totalement humaine. Elle ne marchait pas, mais semblait courir et pourtant, ses pas ne produisaient aucun son et le silence restait de masse. Elle portait une longue cape noire qui lui couvrait tout le corps et son visage restait inexistant dans l'ombre de la capuche. Seuls les pans de sa cape froissaient le calme ambiant. Ses mains étaient glissées sous le costume et elle ne portait qu'un simple sac, semblable à celui que prenaient les marins avant de prendre la mer, un petit sac noir en toile, rattaché par une unique ficèle qu'elle tenait sûrement par sa main, sous sa cape. On entendait aucune respiration et il aurait été difficile de percesoir un regard ou des yeux sous les ténébres de la capuche.

Finalement la silhouette s'arrêta en douceur, d'une façon bien étrange. Elle semblait s'être arrêter au ralenti et même être allée légèrement en ailleurs. Ses gestes étaient gracieux et vifs, elle ne réfléchissait pas, comme si elle savait exactement ce qu'elle avait à faire. Elle fit un pas silencieux en direction d'une porte de bois foncé qui se confondait avec le mur dans lequel elle avait été trouée, la forme aurait bien passer devant sasn l'apercevoir, sauf si elle en connaissait son existence, ce qui semblait être apparemment le cas. Elle portait son sac un peu plus bas et on entendit une faible respiration, presque un rire. La rue était toujours aussi vide et noire lorsque la silhouette pénétra par l'ouverture. Lorsque la porte se referma, la brume s'agita quelques secondes et le silence qui apparut semblait plus bruyant sans la personne qui venait d ele quitter.

Charlie regarda autour d'elle. Quelques sorciers étaient assis et tournèrent les yeux vers le nouvel arrivant, avant de reprendre aussitôt leur activité. Ce n'était pas qu'ils avaient peur (Les sorciers présents n'étaient pas du genre à être effrayé par une personne, bien qu'aussi imposante et mystérieuse, voire animale, que Charlie), mais des hommes ou femmes étranges, ils en croisaient tous les jours ici. De plus, ils avaient, pour les habitués, reconnus la sorcière Eduins. Une jeune femme qui malgré son jeune âge, savait se faire respecter dans l'Allée et notamment, à la Fleur Morte, endroit qu'elle cotoyait plusieurs soirs par mois. Cette nuit, il était 1 heure du matin passée de 13 minutes lorsqu'elle s'installa sur une table. Elle reconnu un sorcier qui tenait une boutique quelques rues plus loin et un homme qui lui avait donné plusieurs informations non négligeables une nuit. Mais sinon, pas grand monde.

Le serveur s'approcha. La jeune femme venait de retirer sa capuche. Son visage était pâle, plus que la normale. Il était difficile de savoir si c'était son teint naturel ou l'origine d'une grande fatigue, peut-être un peu des deux. Ses yeux gris foncés surplombaient deux cernes profondes, témoignant d'un manque de sommeil apparant. Elle possèdait des cheveux mi-longs clairs, légèrement grisâtres. Ses traits fins et durs ne trahissaient aucun sentiment et prouvaient d'une force de caractère chez la jeune femme. Aucun sourire ne venait éclairer son visage sombre et las. Elle ôta entièrement sa cape qu'elle posa à ses côtés, tandis que son sac trônait à ses pieds. Ses mains enfin découvertes se montraient belles et gracieuses. Ses doigts grands et minces remirent en place quelques mèches rebelles avant de se poser avec le calme et la force qu'elle dégageait sur la table. Elle leva doucement les yeux sur le sorcier qui se tenait debout à ses côtés. Il portait un costume simple et ses yeux marrons paraissaient éteints et vides, comme s'il s'ennuyait. Sans préavis, elle frappa de son poing la table en bois. Le bruit se répercuta quelques secondes dans le bar qui se trouvait dans une cave. Tous sursautèrent et le serveur recula de quelques pas. Sur la table qui avait tangué dangereusement, la bougie était tombée dans un bruit de métal, alors que sa flamme s'éteignait. Les sorciers de la Fleur Morte regardait la scène maintenant, sachant tous qu'il ne valait mieux pas énerver la jeune sorcière. Malgré son jeune âge, elle pouvait se montrer redoutable et terriblement glaciale.

Finalement elle demanda un simple Whisky pur Feu. Le sorcier cligna plusieurs fois de ses petits yeux foncés avant de s'avancer plutôt rapidement derrière le comptoir. Il se hâta de remplir un verre et le lui apportera une minute environ après sa demande. Il fallait dire qu'il n'avait pas de clients et la jeune femme, qu'il connaissait de réputation, lui faisait un peur il fallait l'avouer. Il ne devait pas être plus âgé qu'elle et pourtant... Elle était tellement sûre d'elle, tellement en confiance ! Aucun sourire, même moqueur, n'était apparu sur son visage clair lorsqu'elle avait frappé la table de son poing, ses sourcils s'étaient même froncés un peu, ce qui accentuait son air fatigué et ses rides prématurés. Elle avait les yeux dans le vide à présent et tous ses sens semblaient auw aguets, comme toujours d'ailleurs... Elle ne regardait personne et les deux ou trois personnes du bar s'étaient détournés de la scène.

Elle porta la boisson froide à ses lèvres clairs et but quelques gorgées, tout en appréciant le goût fort et doucereux de la boisson. Ses doigts tapotaient doucement la table de bois qu'elle occupait alors que son regard se dirigeait vers la seule personne qu'elle ne connaissait pas cette nuit...

Assis d'une manière inhabituelle (c'est-à-dire groupant ses genoux contre lui et ses talons sur le bord de la chaise) sur une chaise appuyé contre le mur de la cave qui abritait La Fleure Morte, un jeune homme très simplement vêtu d'un vieux t-shirt d'un blanc délavé et d'un pantalon dont le bas des jambes avaient été déchirées, il ne portait ni chaussettes ni chaussures, et, observait la jeune femme qui avait frappé du poing sur la table. Son regard était insistant mais il ne semblait pourtant pas accusateur. Il reflétait plutôt de l'intrigue pour cette personne se manifestant brillamment sans raison aucune. Il tendit le bras vers la table à côté de lui attrapant un verre, à moitié rempli, par le bord supérieur et le porta à ses lèvres d'une manière qui en elle-même semblait étrange. Mais son regard ne quittait pas la jeune fille, un regard plein de curiosité voir même innocent.

Le verre fut reposé sur la table en douceur et le jeune homme passa une main dans ses cheveux où l'on pouvait remarquer quelques plumes blanches parsemer ses cheveux noirs. Il en attrapa une et la fit tourner entre ses doigts comme quelqu'un d'extrêmement nerveux ou angoissé. Le tenancier s'approcha de lui demandant poliment si il voulait être resservi mais le jeune homme ne répondit pas. Le tenancier semblait embêté et répéta sa question en se postant devant le regard du jeune homme. Celui-ci le regarda alors surpris se demandant qui était cet homme qui lui demandait si il voulait boire quelque chose. Il le regarda d'un air douteux et comme pour en être débarrassé il fit un signe positif de la tête. Le tenancier reparti vers son bar pour chercher de quoi le resservir.

Perturbé pas cette visite pourtant très prévisible le jeune homme remis nerveusement la plume dans ses cheveux et commença à frotter frotter ses pieds l'un contre le l'autre intervertissant parfois le pied qui se trouvait sur le dessus. Il reposa son regard sur la jeune femme étrange et resserra un peu plus ses jambes contre lui.

Un silence étrange règnait dans la pièce, ponctué par les bruits de verres qui frappent les tables de bois, les éternuements ou encore les cartes qui tombent sur la surface du comptoir. Quelques murmures s'élevaient des sorciers présents, laissant de grands vides entre deux paroles. Le gérant de la Fleur Morte était assis sur un tabouret et lisait la Gazette du Jour. Un certain mépris trahissait ses traits usés par le temps alors que ses yeux bondissaient d'une ligne à l'autre. Le serveur se tenait derrière le comptoir et essuyait des verres tout en gardant son regard fixé sur son travail. Il le faisait avec une dextérité impressionante. Il prenait un verre mouillé, le frottait, le rangeait. Prenait un autre verre, le frottait le rangeait. Et ainsi de suite, à la chaîne. Qui aurait pu croire qu'une telle tâche puisse demander autant de concentration ? Il était étonnant de voir l'ambiance ambiante de la salle. Pourtant lorsqu'on parlait de bar ou de café, on s'attendait à une grande pièce chaude et chaleureuse, bondée et où les gens s'y rendaient pour discuter et passer du bon temps. Mais ce n'était pas vraiment les adjectifs adéquates à l'atmosphère d'ici. Il fallait aussi rappeler qu'il était presque 13 heures 30 et s'ils n'étaient pas fatigués, les quelques sorciers présents ne semblaient pas vouloir s'activer vraiament à une heure aussi avancée de la nuit.

Mais qu'est-ce qui pouvait pousser des sorciers à sortir à cette heure ? Charlie se le demandait... L'insomnie, la peur d'une solitude cachée. Mais elle-même, pourquoi sortait-elle ainsi tous les soirs ? Car si elle ne venait à la Fleur Morte que quelques soirs par mois, elle passait les autres en vadrouilles dans les rues. En effet depuis plusieurs années (Depuis sa 7ème année à Poudlard exactement), elle est devenue une femme de la nuit si on pourrait dire ça. Il s'est passé quelque chose dans sa vie, une chose qui a changé sa vie du tout au tout, jamais elle ne pourrait redevenir comme avant. Et ça, seul Dumbledore le comprend car c'est majoritairement grâce à ce vieil imbécile qu'elle a survécut. Si c'est pas malhereux de devoir supporter cette dette...

Le serveur arrêta sa tâche ménagère. Il regarda les quelques clients présents. Charlie avait vidé par moitié son verre. Les deux hommes accoudés au comptoir jouaient aux cartes en échangeant des nouvelles du monde des sorciers. Ils n'avaient pas encore touché à leur verre. Seul l'homme qu'elle ne connaissait pas avait terminé le sien. Il se tenait dans une position très étrange, un peu comme le foetus dans le ventre de la mère. Il portait des plumes dans les cheveux et en tripotaient quelques unes tout en parcourant la pièce de son regard. Il parassait effrayé, vue sa position, et en même avait un regard confiant et particulièrement désintéressé, presque ennuyé. Puis il croisa son regard et les deux jeunes gens se dévisagèrent littéralement pendant plusieurs secondes. Il avait un regard simple, voire candide. Quant à sa posture, il n'en avait rien changé et ses yeux ne quittaient plus Charlie. Cette dernière commençait vraiment à en avoir assez. Pour qui se prenait-il ce crétin ?

Elle allait se lever pour lui demander ce qui n'allait pas quand le jeune serveur s'approcha avec lenteur de sa table, voyant sans doute son verre vide. Il lui demanda s'il désirait autre chose. Sa voix résonna étrangement dans la cave qui servait de bar. Elle ne voyait plus vraiment l'homme, caché par l'homme de la Fleur Morte. Mais apparemment, il n'avait rien répondu car il répéta sa question. Enfin le sorcier prostré répondit affirmativement. Le serveur s'en alla d'un pas lourd jusqu'à son comptoir pour lui servir la même chose. Toujours le menton dans les genoux, il continua à faire tourner une de ses plumes clairs entre ses doigts. Finalement elle retourna dans ses cheveux bruns foncés et se mit à faire une étrange chose : il se mit à frotter ses pieds l'un avec l'autre, changeant fréquemment celui du dessous avec celui du dessus. Puis enfin, il reporta à nouveau son regard sur Charlie. Il avait sûrement abusé de la boisson.

La jeune sorcières but une gorgée ultime au breuvage légèrement rougeâtre avant de se lever. Elle prit sa cape et son sac et traversa la cave en silence, sans aucun bruit et si la chaise n'avait pas grincé sur le sol à son mouvement brusque, personne n'aurait pu l'entendre. Elle avait tous ses sens concentrés sur le jeune homme. Ses yeux gris le fixaient avec une intensité telle qu'elle semblait être le chasseur voyant sa proie. Ses oreilles étaient aux aguets alors qu'elle parcourait les derniers mètres. Sa cape vola avec grâce sur le dossier de la chaise en bois alors que son sac se posait en douceur sur le sol froid. Elle s'installa calmement, prit commande d'un nouveau Whisky puis enfin, regarda la garçon.

De près, il paraissait bien jeune. Il devait être plus âgé qu'elle de quelques années et pourtant, le teint gris et les cernes impressionantes du visage de Charlie lui donnaient 10 ans de plus. Avec son petit problème de santé, elle n'aurait sûrement pas trouvé un travail aussi facilement. Encore une fois, elle se surprit à penser que sans Dumbledore, elle ne serrait sûrement pas là. Elle le détestait et en même temps, ne pouvait que le respecter pour tout ce qu'il avait fait. Et lui ? Cet homme face à elle ? Qu'avait-il à cacher ?

Lucian regarda la jeune fille s'installer à sa table, cette fois-ci, de manière discrète et continuait à la fixer d'un air simple. Elle commanda un autre whisky tandis que Lucian bailla largement. Il resserra à nouveau ses jambes contre lui et pointa doucement son index vers la jeune femme qui lui était parfaitement inconnue. Une voix très faible et retenue sorti de la bouche du jeune homme.

- "Votre table était inconfortable?"

Il avala son verre d'une traite et fit signe au serveur. Celui-ci s'approcha immédiatement et Lucian commanda un café avec la même voix que celle avec laquelle il s'était adressé à la jeune femme. Le serveur quitta la table pour aller chercher la commande et les yeux de Lucian fixèrent à nouveau la jeune femme qui avait attiré son attention quelques minutes auparavant. Une personne différente, bref, tout ce qu'il l'intéressait.

On ne pouvait pas dire que le jeune homme était timide et en même temps, sa façon de serrer ses deux jambes sur son torse, et sa voix douce, presque un murmure, cachaient une personnalité très étonnante. On ne pouvait pas dire que Charlie était asociale, jeune elle aimait beaucoup traïner et être avec sa bande de Serpentards mais à sa dernière année à Poudlard, il y eut un changement qui modifia fortement son comportement, quelque chose d'irrémédiable qui encore aujourd'hui transphormait sa vie.

Les paroles de son interlocuteur l'amusa et un faible sourire, chose rare chez la jeune femme, orna son visage. C'était envoyé. La question qui lui vint tout de suite à l'esprit fut de se demander où cet homme avait fait ses études. C'était possible qu'il les ait faites à Poudlard mais étant donné qu'il était sûrement plus vieux, elle n'avait pas dû le fréquenter. Ou alors à Durmstrang. Sa voix ne portait aucune marque d'origine non-britannique. A la fois, si cela faisait plus de cinq ans qu'il était en Grande-Bretagne, il pouvait très bien s'être débarassé de tout accent. Et son visage. Ovale, blanc. Plutôt beau, il avait des cheveux noirs en batailles parsemés de plumes blanches. Un accoutrement des plus singuliers. Charlie elle n'attirait pas vraiment par son physique. Plutôt mince et de taille moyenne, elle portait une longue cape noire qui la recouvrait de la tête aux pieds en temps normal mais elle reposait actuellement sur le dossier de sa chaise. Ses cheveux étaient d'un blond grisâtre et reposaient sans élègance sur ses épaules, en mèches irrégulières. Elle avait des yeux magnifiques mais qui disparaissaient sous les cernes noires et profondement ancrées sous ses paupières. Oui malgré son air de grande fatigue, elle ne sortait pas du lot.

Le jeune homme leva la main et le serveur arriva. Apparemment il n'était pas enchanté de voir les deux individus à la même table. L'homme aux plumes blanches commanda un café alors qu'on lui apporta son deuxième Whyski de la soirée, ou plutôt de la nuit. Charlie avait l'habitude de passer ses petites nuits solitaires et de se retrouver face à quelqu'un était quelque peu inhabituel... Elle ne savait pas vraiment si elle devait engager la conversation ou laisser le silence s'installer. Parce qu'un silence valait bien toutes les paroles inutiles du monde. Mais après tout, si elle s'était traïnée jusqu'à sa table, c'était bien pour discuter non ? Et puis elle pourrait toujours apprendre quelque chose, cet homme avait peut-être des informations à cacher et son petit flacon de vériteraserum, dans son sac, commençait à prendre la poussière.

- Le bois était dur.

Sa propre voix l'étonna. Peut-être parce qu'elle-même ne l'avait pas entendue depuis un certain temps. Elle était douceâtre et moqueuse, pointée d'une ironie désagréable. Voire même un peu froide. En tout cas aucunement accueillante ou chalereuse. Accueillante ? Mais elle n'accueillait personne, c'était plutôt lui qui se trouvait dans l'obligation de l'accueillir. Ou peut-être allait-il lui demander de quitter sa table. Auquel cas elle se verrait dans l'obligation de corriger ce manque de politesse, un tel affront serait mal vu dans sa réputation. Néanmoins une petite voix lui disait qu'il serrait prêt à se défendre, de quelque manière qu'il soit. Il y avait aussi un côté sauvage chez lui... Peut-être étaient-ils plus semblables qu'elle ne l'avait cru auparavant... ?

Le serveur déposa une tasse d'un gris suspect devant Lucian et un petit sucrier en argent rempli de petits morceaux de sucre bien cubique. Lucian se sentait plutôt bien en cette nuit, il n'était pas anxieux et se régalait de la curiosité que cette jeune personne faisait naître en lui. La jeune femme lui répondit et Lucian sourit, amusé par cette réponse qui valait mieux que la question. Qui était cette jeune personne qui semblait impressionner tant le serveur que le pochtron de la table d'à côté qui n'osait diriger son regard vers leur table. Lucian s'était amusé intérieurement quelques minutes auparavant des manières "subtile" de cet inconnu pour éviter la jeune femme du regard sans en avoir l'air. Lucian comprit alors que cette jeune femme, au contraire de lui, était une habitué sans doute, en tout cas connue dans ces quartiers de Londres.

Lucian ne prêta pas la moindre attention au physique de la jeune femme mis à part une seule chose; chose qu'elle cachait volontairement ou non derrière des cernes noirs d'insomnie. Deux yeux perçants et pourtant doux, voilà ce qu'il avait retenu de la jeune femme. Et il savait déjà que désormais, il pourrait reconnaître cette personne entre mille, rien qu'à ses yeux.

Il détourna les yeux de la jeune femme pour attraper le sucrier et le renverser sur la table près de sa tasse. Le serveur qui tenait cette table à l'oeil fit des yeux rond que Lucian remarqua sans même donner l'impression d'avoir regarder dans sa direction. Il écarta doucement le sucrier et commença à empiler les morceaux de sucre, un à un calmement, ne semblant point s'intéresser à son café. Cependant, la jeune fille remarqua que dans sa construction, Lucian s'arrangeait pour la garder dans son champ de vision.

Que cachait cette personne pour cacher ainsi de tels yeux? Souffrait-elle de cette beauté invisible? Etait-elle malade? Toutes ces questions passèrent par la tête de Lucian à un moment. Mais il les garderait pour lui. Les questions, une fois posées, perdent tout leur intérêt. Sa construction comptait à présent une dizaine de sucre et la petite tour sucrée fini par vaciller et tomber. Lucian porta à nouveau son regard vers la jeune fille et haussa les épaules.

- Je sais... j'ai testé votre précédente chaise dix minutes avant votre arrivée et j'ai préférée celle-ci.

Lucian sourit, certain qu'elle ne le prendrait pas au sérieux, pourtant le serveur s'en souvenait très bien. Le suivant d'un regard ébahi et outré, se demandant ce que cette homme faisait à s'asseoir sur toutes les chaises libres.

Charlie fut assez étonnée du manège de l'inconnu. Alors que le serveur lui apportait un sucrier pour y mettre les morceaux voulus dans son café, l'homme le déversa sur leur table pour commencer à construire une tourelle. Mais elle ne fit aucun commentaire ni même un quelconque haussement de sourcil et resta impasible. Après tout, il pouvait bien faire ce qu'il désirait. Néanmoins il semblait être un sacré numéro ! Eduins laissa le silence s'installer alors que les morceaux de sucre s'empilaient. Le bar lui-même était redevenu aussi silencieux. Les deux hommes accoudés au comptoir avaient fini de jouer et les cartes s'étaient rangées d'elles-même dans la poch de l'un d'eux. Ils sirotaient tout deux leur boisson, plutôt décontractés à présent, l'alcool y étant sûrement pour quelque chose. Le gérant lisait toujours son journal, et le serveur s'était assis dans un coin, l'oeil pensif.

C'était bien la première fois que la Fleur morte était si vide. D'habitude il y avait un peu d'agitation, de remus ménage et aucun des sorciers avec qui elle avait l'habitude de converser n'était présent. Que se passait-il ? Un réunion dont elle n'avait pas été au courant ? Non, impossible... A cette pensée, son avant bras gauche picota désagrablement. Hasard ? Certainement. Elle approcha sa main de la zone sensible qu'elle frotta machinalement. Le stemps étaient étranges ces derniers jours, aucune nouvelle concrète, juste quelques allusions avec des inconnus ou des informateurs. Elle n'avait été ordonnée d'aucune sorte depuis bien longtemps mais elle attendait, elle attendait. Et cette attente la renforçait dans son idée de doute. Que se passait-il ? Encore cette question qui revenait dans son esprit... Certes elle n'occupait pas un poste haut placé, juste une sorcière parmis d'autres, qui jouait souvent les espionnes et parfois les assa...

- Certainement certainement...

Elle ne posa pas de questions. Etait-ce vrai ? Etait-ce faux ? pourquoi mentir ? Ce n'était pas un homme à mentir et son visage serein lui témoignait d'une vérité étrange... Tout en lui était étrange. A commencé par ses plumes blanches, en finissant par ses doigts fins qui tripotaient les morceaux de sucres. Quelques grains brillants s'étaient détachés des morceaux pour reposer sur la table de bois. Charlie approcha sortit sa main de sous sa cape. Une main maigre, blanche et translucide. Une main gracieuse et délicate, mais en même temps abîmée par une quelconque sorcellerie. Qu'est-ce qui avait créé ces coupures, ici et là, à peine guéries ? Et les vieilles marques là, étaient-elles la marque d'un démon ancien ? La jeune femme pointa son index sur les morceaux de sucre, puis commença à ramasser les miettes et les porta à sa bouche, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus une seule. Finalement, elle remit sa main sous la table, sous la cape. Tout ceci s'était passé en peu de temps, peut-être une petite minute, mais aucun mot n'avait été prononcé, ni même un mouvement sinon celui du doigt humidifié qui attrapait les paillettes blanches.

Le jeune homme la regardait. C'est vrai qu'elle ne devait pas être très jolie à regarder. Ses yeux gris clairs disparaîssaient sous deux grosses cernes et son visage, plus pâle qu'à l'ordinaire, devait témoigner d'une grande fatigue. On pouvait se demander ce qu'elle faisait là, alors qu'il n'y avait à n'en pas douter qu'elle était fatiguée. Son organisme, sa peau, ses yeux, oui, mais son âme, son esprit, elle ? L'était-elle vraiment ? Elle ne vivait vraiment qu'au jour tombé et pourtant, elle aurait accueilli quelques heures de sommeil avec joie... Elle comptait rester encore quelque temps, ne voulant pas retourner dans son appartement miteux et étouffant. Etonnant oui, mais elle était sous les toits et elle qui appréciait la fraîcheur de l'hiver, elle devait supporter l'air suffocant de la nuit estivale qui avait lieu au Chemin de Traverse.

L'intérêt du jeune homme se porta un instant sur un des morceaux de sucre qui ne semblait pas assez cubique à son goût et le goba, faisant croquer les cristaux de sucre sous ses dents. Il releva alors la tête pour écouter la réponse de la jeune femme qui se faisait attendre comme de coutume depuis le début de leur "conversation". "Certainement, certainement...", l'expression du visage de Lucian changea pour la première fois depuis le début de la conversation, un sourcil s'arqua et sa bouche s'entrouvrit légèrement comme attendant une réponse à répliquer, mais qui n'arrivera jamais. En voilà une réponse dénuée d'intérêt et peu convaincante. Avait-il affaire à une personne à l'esprit insignifiant encore une fois, ou était-elle préoccupé par autre chose...

La main de la jeune fille sorti de sous sa cape pour ramasser les petits éclats de sucre. Une main trop maigre et trop pâle pour une jeune personne. De plus des cicatrices jonchaient cette peau blanche à de nombreux endroits. On aurait annoncé à Lucian que cette jeune femme sortait d'Azkaban qu'il l'aurait cru sans aucun ressentiment. Mais bien que cette hypothèse à peine naissante trottait dans la tête de Lucian, celui-ci la chassa.. Cette jeune fille lui inspirait confiance malgré tout.

La vieille horloge de la Fleur Morte sonna 1 heure du matin et le début de la nouvelle construction de sucre s'écroula sous les doigts de Lucian.. Une heure déjà, il avait maintenant plus de deux heures et demie pour son rendez-vous.. Il se leva brusquement sans même avoir touché à son café. Il fit un petit signe de la main à la jeune femme. Il laissa un petit tas de mornilles sur la table et se dirigea vers la sortie de l'auberge. Il fit le tour de la table et passa derrière la jeune étrangère.

- Bonne nuit...

Il continua sa marche lente en trainant ses pieds nus sur les dalles froides. Il ouvrit rapidement la porte de la Fleur Morte et la referma derrière lui silencieusement...

Quelle morosité, quelle lenteur. Le monde de la nuit était vraiment différent des autres. Chacun était dans son petit monde, même les deux sorciers avaient cessé de discuter doucement. Le serveur était monté se coucher, sous ordre du Gérant qui lui continuait tranquilement à lire son journal. Entre temps, un vieil homme était entré dans la Fleur Morte pour boire une boisson douteuse. Elle avait une étrange odeur qui embaumait toute la pièce. Le vieux buvait à petites gorgées le liquide jaunâtre, sans accorder aucune importance aux autres sorciers présents dans la pièce sombre. Il portait une courte barbe marron et un chapeau plat, grisâtre, sale. Les deux hommes qui jouaient quelques temps auparavant aux cartes se levèrent en même temps, les yeux légèrement éteints et sortirent après un "Salut" au Gérant qui leur accorda un signe de la tête.

Finalement une nouvelle pile de sucres s'écroula sur la table. Charlie ne savait même pas pourquoi elle s'était installée à la table de l'homme étrange. Ah si, elle le trouvait étrange, simplement. Mais cette nuit elle n'était pas très bavarde et n'aurait même pas dû sortir, voulant à présent se dégourdir les jambes. Comme lisant dans ses pensées, son "interlocuteur" (Un bien grand mot puisqu'ils ne s'étaient adressés que quelques mots) se leva. Il jeta quelques pièces sur la table et se retira après un faible "Bonne nuit". Bonne nuit... Cette simple phrase procurait sur la jeune femme un drôle de sentiment. Il lui souhaitait bonne nuit. Allait-elle passer une bonne nuit ? Et bien c'était ordinaire. Il allait sortir du Bar, elle resterait quelques minutes encore ici puis ferait de même. Une fois dehors, elle arppenterait peut-être les rues de l'Allée des Embrumes, avant de retourner sur le Chemin de Traverse pour enfin rejoindre son logement miteux. Là bas, elle passerait une nuit dénuée d'originalité dans un lit au matelas aussi dur qu'une planche de bois (Mais qu'est-ce qu'elle l'aimait son matelas !) et une tempréature frisant les 10 degrés. Le loyer n'était pas cher, elle n'avait pas à se plaindre...

Et c'est ce qu'elle fit. Une ou deux minutes après la "fuite" de l'homme aux plumes blanches, elle termina sa boisson (Elle avait payé...) et paya avant de sortir sans un regard en arrière. Quelque chose lui disait que dans peu de temps, elle reverrait le sorcier avec qui elle avait partagé dans un mutisme quasi-total, une table de la Fleur Morte...